L’homme qui n’a pas de chien

Avoir un chien, c’est beaucoup de tendresse et de vie dans une maison !

C’est aussi beaucoup de ménage, mais quand il n’est plus là, comme on aimerait avoir encore des poils sous la table, sortir sous la pluie, et le sentir tout contre soi… Une vie sans chien c’est une vie sans soleil.

Ce texte a été partagé sur un forum, mais nous n’en connaissons pas l’auteur. Si vous savez qui c’est, merci de me le dire afin de le notifier.

L’homme qui n’a pas de chien…

Il y a des gens qui n’ont pas de chien. Il y a des gens qui n’aiment pas les chiens. Comme il y a des gens qui n’aiment pas les humains.

Chez ces gens-là, il fait propre, lugubrement luisant. Le parquet conserve son vernis, le linoleum sa cire.

Il n’y a pas, sous la table de la cuisine, une caisse avec un matelas couvert de trésors : balles, cailloux, chiffons…Personne ne crie, dans ces maisons. Personne n’aboie. Pas même les hommes.

Au fait…Avez-vous déjà essayé d’aboyer ? C’est qu’il y a tout un art d’aboyer, on peut galoper à travers tout au jardin, culbuter les poireaux, piétiner les salades en criant « Ouah Ouah ! » Essayez….Les voisins mettront le nez à la fenêtre, éberlués. Ils penseront « Le voisin devient fou, il court partout en aboyant…. » Ils ne penseront pas que vous avez peut-être des raisons péremptoires d’aboyer, que vous avez voulu -ne fût-ce qu’un tout petit peu- savoir ce que c’est d’être un chien content, sans arrière-pensées, un chien qui renverse une chaise ou le porte-parapluies parce qu’il est heureux et qu’il le dit.

La maison de l’homme-sans-chien ne retentit jamais de ces plaintes heureuses qui marquent le retour d’un maître qu’on vénère, après une effroyable absence de 10 minutes….

Le poêle de la maison de l’homme-sans-chien est triste d’être un poêle. Il ne rosit pas 4 pattes à 5 pétales noirs, tendues paresseusement vers sa chaleur. Entre ses pieds émaillés, refuge de pénombre et de secrets, il n’abrite pas un ventre rose, une gueule entr’ouverte sur des dents aigües.

Pauvre homme-sans-chien …..Dans le vestibule où tu te débarrasses de ton manteau, tu n’es pas assailli, bousculé, poussé, tiraillé par un chien qui t’offre les battements tumultueux de son coeur et la confiante lumière de son regard. C’est terrible, comme le coeur d’un chien peut battre ! On pose la main sur son poitrail…Le coeur bat …Le coeur bat…

Tôt le matin, quand le soleil filtre au travers des branches, l’homme-sans-chien n’éprouve pas le besoin de faire deviner qu’une promenade va naître.

On dit des choses quotidiennes « Tiens, j’ai oublié le courrier….Que va faire le temps ?…Où sont mes lunettes ? » Votre chien sommeille, mais son coeur ne dort pas. Tout ce que vous dites, il l’écoute, il le boit, parce que c’est votre voix. Sans changer de ton, vous ajoutez « Bon, je vais à la poste… » Déjà, il vous regarde, de l’espoir plein les yeux. « Tu viens avec ! » Alors, ses yeux brillent, ses oreilles se plaquent en arrière. Avez-vous déjà remarqué que le visage le plus tendre au monde est celui d’un chien quand il plaque ses oreilles en arrière et qu’ainsi il vous regarde ?

Votre main se tend vers le crochet où est suspendue sa laisse et c’est la course en rond, le galop effrené, la queue en balancier et l’assaut contre le bas de la porte…. »Allons ! Mais tiens-toi tranquille, viens mettre ta laisse….Tu es fou? Attends que je boucle ton collier…Est-il agaçant, ce chien ! Il ne s’habituera donc jamais ? »

Non. Il ne s’habituera jamais. Un chien ne s’habitue pas à ses bonheurs. Il accueille chacun d’eux dans un état de béatitude exemplaire, et tout lui est neuf qui lui vient de la main de son maître.

L’homme-sans-chien n’a pas de poils sur ses vêtements. Le soir, il ne doit pas dévaler les escaliers pour une dernière promenade….Et à cause de celà, il perd les étoiles au ciel d’été, la pluie fine d’avril ou le vent nocturne qui se lève….

L’homme-sans-chien ne sait rien de l’ennui de soigner un chien malade. Les pommades dans les oreilles (autant sur les mains que dedans…), les pilules et sirops à faire avaler avec des ruses de Sioux, les chiennes qui mettent bas avec ou sans mal….Les chiots à placer dans de bonnes mains….

Il ne connaît pas ce moment d’atroce solitude qui accompagne la mort d’un chien…J’ai connu cette solitude, je la connaîtrai encore. Bien sûr, comme tout le monde, j’ai dit « Maintenant, c’est fini…Plus de chien : on s’attache trop ! »

Plus de chien après celui-là !

Mais est-ce ne plus aimer que d’avoir peur d’aimer encore ?

La laisse suspendue à son crochet, elle sera désormais inutile ?

On pourra étendre ses jambes sous la table sans heurter la caisse du chien ?

Et il ne faudra plus dire « Le chien a encore dormi dans le fauteuil : c’est plein de poils… »

Mais alors…Il ne faudra plus avoir le bon mufle du chien dans la paume de la main ? Vous savez comment ça se passe : à votre table, vous écrivez, votre main gauche tombe machinalement sur vos genoux. Quelqu’un s’en empare, ça fait d’abord humide et froid…Puis chaud. Vous y êtes tellement habitué que vous n’y prêtez pas attention…Puis vous vous apercevez qu’il (ou elle) a réussi a poser votre main sur sa tête, et qu’il ne bouge plus, qu’il ne respire presque plus, attentif seulement à prolonger votre distraite marque d’amour…

Ne plus connaître ça, c’est insupportable à « l’homme-qui-a-eu-un-chien ». Alors il se redresse, ses yeux brillent, son visage s’éclaire, giboulée mi-sourire mi-larmes. Parce qu’il sait ce qu’il veut. Par-dessus tout. Il veut redevenir « un homme qui a un chien » …..

Photo : CC JosephB

Publié dans Blog Tagués avec : ,
Un commentaire sur “L’homme qui n’a pas de chien
  1. amon dit :

    c’est beau !
    j’ai revu ma canelle devant la porte au moment du repas, devant la porte au moment de la balade, ces coups de museau pour soulever mon bras et avoir ma main sur elle.
    C’est touchant et magnifique

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*